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Voici un travail théorique au sujet des relations internationales, plus précisément, il s'agit d'une lecture génétique et critique d'Alexander Wendt, qui tenta de fonder les relations internationales comme science sociale. Or, à défaut d'accomplir son ambition scientifique, Wendt s'est retrouvé à l'origine d'un nouveau courant de pensée en RI, le constructivisme. 

Alors, pourquoi Wendt a-t-il revu ses ambitions à la baisse? N'est-ce pas en raison de problèmes méthodologiques et théoriques qui sapent sa démarche? 

Que sont les RI, quelle est cette étrange discipline? Quelles connaissances proposent-elles?

Nous tenterons d'apporter quelques éléments de réponses.

YC, 2022

 

Relations internationales

 

 

Antinomie artificielle et ambition réelle 

chez Alexander Wendt 

Ci-dessus Alexander Wendt. Pour des infos générales le concernant, voir sa page wikipedia (la version anglaise est plus riche) : 

Alexander Wendt — Wikipédia (wikipedia.org)

 

Table des matières

 

Introduction : une antinomie des relations internationales. 2

1-      La théorie de la structuration comme solution de l’antinomie. 3

1-1 Néoréalisme et « système-monde » : deux approches opposées. 3

1-2 Des faiblesses communes. 4

1-3 Une synthèse dialectique nécessaire : la structuration. 4

2-      De la théorie de la structuration au constructivisme : infléchissements, mise entre parenthèse et intégration. 8

2-1 Bouleversements historiques et défi théorique. 8

2-2 Vers le constructivisme. 10

3- Critique : les relations internationales comme carrefour dialectique des sciences humaines. 11

3-1 Une synthèse dynamique. 11

3-2 Des solutions ad hoc. 12

3-3 Un retour implicite à l’individualisme méthodologique. 13

3-4 Un absent : les acteurs et les causes non étatiques des relations internationales. 14

3-5 Un néolibéralisme caricaturé. 14

3-6 Le nominalisme des néoréalistes ?. 14

4-      Conclusion. 15

 

 


 

 

Introduction : une antinomie des relations internationales

 

Les relations internationales désignent un ensemble d’interactions complexes et changeantes dont les statuts ontologiques, épistémologiques ou juridiques présentent des difficultés conceptuelles fondamentales, dès lors qu’il s’agit de penser les relations internationales[1] comme science, et en particulier comme science sociale.

Une première modélisation distingue les acteurs d’un côté, et le cadre de leurs interactions de l’autre, autrement dit, il y aurait d’un côté les Etats, et de l’autre les structures, les règles d'interactions entre Etats. Acteurs et structures formeraient alors la réalité internationale dans toute sa généralité.  

Mais les acteurs rendent-il possibles les structures, ou au contraire les structures déterminent-elles les acteurs ? Deux chemins théoriques s’ouvrent alors, comme un choix impossible à esquiver.

En plus de cette première difficulté, les capacités explicatives et prédictives des relations internationales ne font pas consensus, plusieurs modèles s’opposent à partir de choix théoriques initiaux, faisant apparaitre des lignes de fractures, qui forment comme un « champ de bataille »[2].

En 1987, une formulation de ces difficultés fut proposée par Alexander Wendt, à partir du problème sociologique de « l’agent-structure ». Wendt y met en place une synthèse, en transposant la théorie de la structuration aux relations internationales, afin de fonder les relations internationales comme science.[3]

En effet, la théorie de la structuration en sociologie permet de penser de façon originale le problème de « l’agent-structure » à l’intérieur d’une société, ce qui semble offrir un cadre théorique fécond aux relations internationales, si l’on considère que les agents d’une société sont analogues aux Etats dans les relations internationales.

Nous tenterons de préciser ce propos, depuis la transposition de la théorie de la structuration jusqu’à son déploiement dans le constructivisme, principalement en nous appuyant sur les deux articles fondateurs de 1987 et 1992.[4] 

Wendt a-t-il réussi ce saut dialectique capable d’établir le statut scientifique des relations internationales ? Nous tenterons d’avancer quelques éléments de réponse grâce à une lecture critique des deux articles. 

 

1- La théorie de la structuration comme solution de l’antinomie

 

1-1 Néoréalisme et « système-monde » : deux approches opposées

 

Selon Wendt, il y aurait d’un côté les tenants du néoréalisme, comme Kenneth Waltz[5], qui propose dans sa Théorie de politique internationale, l’idée selon laquelle les relations internationales sont fondées sur des Etats cherchant à maximiser leurs intérêts et leur sécurité, dans un cadre international fondamentalement anarchique, où les capacités économiques et militaires structurent des interactions d’hostilité, et où la question de la survie est première. Dans ce cadre théorique, les gains des Etats sont « relatifs » dans un jeu à somme nulle, il n’y a aucun intérêt à coopérer. Les structures internationales -les règles du jeu internationales- émanent de la puissance des Etats, ces derniers étant les éléments ontologiquement constitutifs et épistémologiquement explicatifs de ces structures. Le néoréalisme serait donc, selon Wendt, une forme de théorie nominaliste.[6]

Opposée à cette vision d’un capitalisme compétitif,  revendiqué comme étant le seul mode d’être possible pour les sociétés, la théorie du « système-monde », inaugurée par Immanuel Wallerstein[7] défend une approche marxiste des macrostructures sociales, inscrite dans « le temps long », et issue des effets de l’accumulation du capital depuis le XVIe siècle dans les sociétés européennes. 

Le comportement des Etats doit se comprendre dans une optique d’appropriation du « surplus », produit par une classe de travailleurs exploités, qui structure les Etats au sein d’une « économie-monde ». Celle-ci a progressivement absorbé les premières « mini-sociétés » pastorales, puis les structures impériales du monde féodal. Cette « économie-monde » accumule le capital en attirant les flux de production autour de leurs centres de décisions et de captation.

Dès lors, pour Immanuel Wallerstein, les actions des Etats sont conditionnées par leur position à l’intérieur de ces structures économiques, politiques, militaires et juridiques, hiérarchisées en centres, semi-périphéries et périphéries, qui forment des systèmes d’exploitation des grands centres industriels capitalistes sur la périphérie, appelée de façon condescendante, le « tiers-monde ». 

Wendt remarque que, dans cette théorie, le tout (les structures) précède les parties (les Etats), il cause et explique leur comportement et leur destin qui doit aboutir au renversement du système d’exploitation capitaliste mondial. 

Il s’agirait ainsi selon Wendt d’un holisme théorique et déterministe, autrement dit, d’une forme de « structuralisme ».

 

1-2 Des faiblesses communes

 

Néoréalisme et système monde sont ainsi deux théories opposées qui présentent pourtant des faiblesses communes. 

En effet, Wendt reproche aux tenants du néoréalisme les limites de leur pouvoir prédictif [8],  mais aussi descriptifs, il leur est ainsi difficile de penser les liens de coopérations internationales, autrement que sur le mode de la coercition. 

Ils demeurent en effet attachés à une vision « hobbesienne », découlant logiquement de la nature humaine, où l’anarchie implique la lutte de tous contre tous, dans un jeu à somme nulle, et où il vaut mieux prendre les richesses plutôt que de les générer collectivement. Tout gain y est relatif, puisque la richesse collective est finie et déterminée.

Plus fondamentalement peut-être, leur conception de l’Etat apparait comme une boite noire, basée - mais non fondée- sur un postulat behavioriste et rationnel, d’où découleraient les conséquences structurelles internationales. Les Etats sont ici les entités premières des relations internationales, mais elles sont « données » et « non problématisées ».

D’un autre côté, selon Wendt, les tenants du « système-monde » dégagent à juste titre le pouvoir causal des structures internationales,[9] mais ils ne semblent pas capables d’expliquer comment celles-ci émergent, sont reproduites et parfois renversées. Les structures internationales sont comme « réifiées » et « non problématisées ».

 

1-3 Une synthèse dialectique nécessaire : la structuration

 

Ainsi posé, le problème de « l’agent-structure » met en jeu une dialectique entre deux approches antinomiques qui appelle à son dépassement au sein d’une théorie synthétique. 

Or, c’est précisément ce que propose Wendt, par le truchement de la théorie de la structuration. En effet, le modèle sociologique de la structuration permet de comprendre comment les pratiques concrètes des acteurs internationaux constituent les structures internationales, et comment celles-ci en retour rendent possible et constituent les actions et les acteurs internationaux. 

Au fond, il s’agirait de mettre en place un double mouvement structurant-structuré afin de penser les relations internationales. Wendt s’appuie non sur une école, ou un auteur particulier, mais plutôt sur une famille de sociologues partageant une certaine intuition commune, et qui tentent de s’affranchir des oppositions trop artificielles entre des structures réifiées et des acteurs parfaitement libres. Wendt désigne explicitement Antony Giddens, Roy Bashkar, Pierre Bourdieu.[10] 

De plus, Wendt s’inscrit implicitement quoique directement dans la continuité d’une problématique beaucoup plus vaste, qui oppose individualisme et holisme en sciences humaines. 

En effet, la sociologie, dès sa constitution scientifique au tournant du XXe siècle, s’oppose en deux approches, holisme et individualisme, qui sont elles-mêmes des transpositions d’un problème philosophique plus ancien.[11] 

Ainsi selon Durkheim, une explication sociologique satisfaisante doit partir de la totalité sociale, puisque le fait social s’impose de l’extérieur à l’individu.[12]

L’approche holistique comprend les comportements individuels comme des effets du tout social, celui-ci exerçant des pressions sur l’individu. Il reste possible d’enfreindre les règles sociales, je peux essayer de payer mes achats dans une monnaie non reconnue par un Etat, ou en parlant une langue étrangère, mais dans ce cas, je serai exclu de la société et des interactions sociales.

Contre l’interprétation holistique, qui ferait du tout social une quasi-substance agissante sur les individus, un autre paradigme fut proposé, fondé sur les individus pensants et interagissants, l’individualisme méthodologique, pour lequel les propriétés du tout social doivent toujours être comprises et expliquées comme des résultantes, souvent non intentionnelles, des décisions individuelles, issues de conceptions et de significations intersubjectives. Ainsi comprise, la société en général n’existerait pas en dehors de l’interprétation que les individus en ont.[13]

Ce débat présent dès les origines des sciences sociales est-il transposable au degré supérieur des réalités sociales, non pas à l’intérieur des sociétés, mais dans les interactions interétatiques? C’est ce que pense remarquer Wendt, qui renvoie dos à dos « système-monde » et néoréalisme, derrière lesquels il repère l’opposition entre holisme (ou structuralisme) et nominalisme.

Or, au point de vue ontologique, Wendt juge ces deux approches insuffisantes, et au fond réductrices, en tant qu’elles nient toutes deux l’existence du pôle opposé dans le problème de « l’agent-structure » , alors qu’une authentique théorie des relations internationales doit penser l’Etat dans les structures internationales et les structures internationales comme générées par les Etats, en effet :

« Le problème de « l’agent-structure » est constitué de deux problèmes interdépendants, l’un ontologique, l’autre épistémologique. Le premier enjeu, et le plus fondamental, concerne la nature des agents et des structures et, comme elles sont d’une certaine manière mutuellement impliquées, de leurs interrelations. (…) Il y a deux façons fondamentales d’approcher cette question : en rendant une unité d’analyse ontologiquement primitive, ou en leur donnant un statut ontologique égal et donc irréductible. Selon [la question de savoir] laquelle de ces entités est considérée primitive,  ces approches génèrent trois réponses possibles à la question ontologique, que j’appellerai individualisme, structuralisme, et structuration[14]. Néoréalisme et théorie du système-monde incarnent respectivement les deux premières positions, ce qui réduit ultimement une unité de l’analyse à l’autre. »[15]

Il semble étonnant que Wendt reproche au néoréalisme de Waltz son « nominalisme », puisque le néoréalisme se distingue du réalisme précisément grâce au rôle joué par les structures.

Pourtant, selon Wendt, le mouvement de constitution structurelle reste seulement « ascendant » chez les néoréalistes, puisque les Etats structurent, en fonction de leur puissance, les relations internationales. Dès lors, le système du monde des néoréalistes ne serait pas un structuralisme, mais bien une forme de nominalisme ontologique :

« Cette définition [du néoréalisme] conduit à une compréhension des structures du système comme seulement contraignant les agents d’Etats préexistants, alors que, dans le système-monde et dans la théorie de la structuration, elle génère les agents eux-mêmes »[16]

Bien que l’approche néoréaliste s’appuie sur les Etats comme unités primordiales, cette théorie ne penserait pas authentiquement l’Etat :

« Sans une théorie de l’Etat, en d’autres mots, les efforts des néoréalistes pour construire des théories systémiques convaincantes des relations internationales sont sérieusement compromises. » [17]

Dans le néoréalisme de Waltz, les Etats sont comme des boites noires qui se comportent « comme s’» elles optimisaient pouvoir et richesse, dans le cadre d’un « dilemme du prisonnier », où la coopération ne serait pas valorisée. 

D’autre part, Wendt remarque que la théorie du « système-monde »[18] souffre sur ce point des mêmes défauts que le néoréalisme, il s’agit d’une autre forme de réductionnisme réificateur, au sens où cette fois, ce sont les structures qui sont considérées comme premières, les comportements des Etats (et leur nature) seraient de simples effets structurels. Les structures interétatiques (les règles d’interactions entre Etats) existeraient alors de façon (mystérieusement) autonomes :

« Les théoriciens du système-monde dupliquent l’approche néoréaliste du problème de l’agent-structure : ils forment implicitement une entité primitive, dans ce cas la structure du système monde, et essaient alors de réduire les autres entités, comme les Etats et les agents de classe, à leurs effets. »[19]

Les partisans du système-monde pensent alors avec une grande difficulté les modifications et les bouleversements de structures, puisque celles-ci sont données, et comme figées.[20] 

Wendt propose de dépasser ces deux cadres théoriques jugés insuffisants, en introduisant le processus de « structuration », dans lequel Etats et structures se génèrent et s’impliquent réciproquement, évitant le double risque de réductionnisme et de réification, grâce à une forme de circularité génétique entre agent et structure : l’un n’existe pas sans l’autre, ils se co-impliquent.

« La théorie de la structuration est une solution relationnelle au problème de l’agent-structure qui conceptualise agents et structures comme étant mutuellement constitués ou des entités co-déterminées » [21]

D’autre part, au point de vue épistémologique, Wendt propose de transposer le paradigme du « réalisme scientifique »[22], alors dominant chez certains philosophes (anglosaxons) des sciences de la nature[23], pour fonder les relations internationales comme science. 

Wendt oppose en effet le « réalisme-scientifique » capable de penser les structures (invisibles), à « l’empirisme » qui limite la connaissance aux seules entités matérielles observables, comme les capacités économiques et militaires des Etats. 

Autrement dit, « l’empirisme » ne permettrait pas de penser les effets pourtant bien réels des structures sur les agents. 

Il faudrait alors fonder les relations internationales sur une épistémologie adéquate ne niant pas l’existence de ce qui n’est pas observable, tant que les effets restent mesurables et permettent d’inférer une cause réelle. Le réalisme scientifique semble capable de remplir cette fonction, en pensant le lien causal, dans le sens structure > agent :

« Les réalistes scientifiques argumentent en proposant que de telles interférences sont, en principe, justifiées si l’entité en question peut produire des effets observables, ou si son maniement nous permet d’intervenir avec des effets sur le monde observable.»[24]

Appuyée sur l’épistémologie du réalisme scientifique, la théorie de la structuration semble prête à remplir son rôle pour penser les relations internationales comme une science synthétique et fondée. Wendt peut désormais déployer sa pensée in concreto. La théorie de la structuration joue le rôle centrale de principe ontologique dans cette articulation conceptuelle.

 

2- De la théorie de la structuration au constructivisme : infléchissements, mise entre parenthèse et intégration

 

2-1 Bouleversements historiques et défi théorique

 

Pourtant, cinq années s’écoulent entre l’article de 1987 portant sur les fondements des relations internationales, et son article de 1992 « Anarchy is what States Make of it: The Social Construction of Power Politics ». 

Entre temps, la dissolution de l’URSS le 25 décembre 1991 est apparue comme l’aboutissement inattendu et brutal de la «Perestroïka», qui visait à « ouvrir » l’URSS à l’économie de marché. La Guerre Froide est officiellement terminée. 

Or, les théoriciens des relations internationales n’avaient pas anticipé un changement structurel si radical, ils sont pris de court,  en particulier les néoréalistes n’avaient pas compris que l’identité d’un Etat dépend de la conception que citoyens et gouvernement en ont. Si l’URSS s’est aussi rapidement dissoute, c’est qu’elle n’existait déjà plus dans la psyché collective :

« Si la société « oublie » ce qu’est l’université, les pouvoirs et les pratiques des professeurs et des étudiants cessent d’exister ; si les Etats-Unis et l’Union Soviétique décident qu’ils ne sont plus ennemis, « la Guerre Froide est terminée ». »[25]

De plus, Mikaël Gorbatchev, dernier secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique a instauré une démarche coopérative forte avec les pays « capitalistes », ce qui apparait comme un contre-exemple massif à la vision conflictuelle des néoréalistes : la puissance n’a pas le dernier mot.

D’un autre côté, l’effondrement de l’URSS semble aussi signer la fin des « lendemains qui chantent », prônés par la théorie du « système monde » et les neo marxistes en général, qui semblent disqualifiés par les faits

Wendt doit préciser ses positions afin d’intégrer ces bouleversements historiques. La théorie de la structuration est alors redéployée[26] dans un nouveau cadre théorique, le constructivisme.[27] 

Wendt pose à nouveau sa théorie comme une solution synthétique, mais cette fois-ci entre néoréalisme et néolibéralisme. Il s’oppose principalement au concept néoréaliste d’ « anarchie » dans les relations internationales, qui n’est plus une donnée indépassable. La doctrine du chacun pour soi (« self-help ») doit être dépassée : 

« Je défends l’idée que les politiques du pouvoir et du chacun-pour-soi ne suivent pas logiquement ou causalement de l’anarchie, et que si aujourd’hui nous nous trouvons dans un monde du chacun-pour-soi, cela est dû au processus, non à la structure. Il n’y a pas de « logique » de l’anarchie, en dehors des pratiques qui créent et instancient une structure d’identités et d’intérêts plus qu’une autre ; la structure n’a pas d’existence ou de force causale en dehors du processus. Les politiques du chacun-pour-soi et de la puissance sont des institutions, pas des caractéristiques essentielles de l’anarchie. L’anarchie est ce que les Etats en font.»[28]

Le cadre théorique des néoréalistes ne permet pas de penser « si deux Etats seront amis ou ennemis, reconnaitront la souveraineté de l’autre, auront des liens dynastiques, seront des puissances révisionnistes ou de statu quo, et ainsi de suite. »[29]

Un état révisionniste conteste les frontières et la souveraineté d’autres Etats (pour des raisons multiples), tandis qu’une puissance de statu quo les accepte.

En effet, l’inimitié interétatique n’est pas l’état indépassable des relations internationales, d’autres liens de reconnaissance mutuelle sont tout possibles sans coercition, et même au-delà, des liens « d’amitié », c’est-à-dire de coopérations étroite, où l’intérêt de l’un est aussi l’intérêt de l’autre.

 

2-2 Vers le constructivisme

 

Il faudrait être capable de penser une typologie dynamique des relations internationales, où les Etats changent de liens mutuels s’ils en décident ainsi et mettent en place les pratiques adéquates :

« Un principe fondamental du constructivisme comme théorie sociale est que les personnes agissent à l’égard des objets, incluant les autres agents, sur la base des significations que les objets ont sur eux »[30]

« Ce sont les significations collectives qui constituent les structures qui organisent nos actions »[31]

Les « significations collectives » sont partagées à l’intérieur d’un Etat A et caractérisent l’Etat B entre ami, neutre et ennemi. En retour, l’Etat B réagit devant cette caractérisation externe, qu’il intériorise : les identités sont des relations et non de simples données internes :

« Les identités sont fondamentalement relationnelles »[32]

Autrement dit, les identités des Etats ne sont pas des boites noires d’intérêts préexistants, comme ce que laissent entendre les néoréalistes, mais elles sont construites en lien avec les autres Etats, se régulent et s’intériorisent progressivement, puis lorsqu’une stabilité suffisante est atteinte, elles sont codifiées et juridiquement encadrées :

« Les identités et de telles cognitions collectives n’existent pas séparément les unes des autres : elles sont « mutuellement constituantes ». selon ce point de vue, la mise en place d’institutions est un processus d’internalisation des nouvelles identités et intérêts, non quelque chose se produisant à l’extérieur d’elles et affectant seulement leur comportement ; la socialisation est un processus cognitif, pas seulement un processus behavioriste. »[33]

La typologie des relations internationale proposée par Wendt se précise : au points de vue néoréaliste de l’hostilité, la théorie néolibérale[34] apparait comme celui de la coexistence pacifique, c’est une étape intermédiaire entre hostilité et amitié. 

Dans le cadre néolibéral, il s’agit d’un jeu à somme non nulle, où la richesse collective peut-être créée, et les gains sont parfois potentiellement absolus et pas toujours relatifs. Ces interactions de reconnaissance mutuelle de souveraineté sont qualifiées de « lockienne », en référence au philosophe anglais John Locke, et décrivent particulièrement l’Europe issue de la paix de Westphalie :

« Au milieu se trouve le système de sécurité « individualiste », dans lequel les Etats sont indifférents à la relation entre leur sécurité et celle des autres. Cela constitue les systèmes « néo-libéraux » : les Etats sont toujours tournés vers leur sécurité mais sont concernés en premier lieu par des gains absolus plutôt que les gains relatifs. La position des uns et des autres dans la distribution de la puissance est moins importante, et l’action collective est davantage possible (bien que toujours sujet « passager clandestin » en raison du fait que les Etats continuent à être « égoïstes ») »[35]

Le niveau le plus élevé d’intégration voit apparaitre des intérêts et des identités collectives, état qualifié de « kantien » , proprement décrit par le constructivisme:

« Cela contraste avec le système de sécurité « coopérative », dans lequel les Etats s’identifient positivement les uns avec les autres de telle sorte que la sécurité de chacun est perçue comme la responsabilité de tous. »[36]

Au fond, le néoréalisme est intégré et expliqué dans le nouveau cadre théorique, les relations d’hostilité sont factuellement observables, mais comme un cas particulier, et non une norme ou une loi (de la nature humaine), et en un sens, si tout le monde croit que l’état de « guerre de tous contre tous » est naturel et nécessaire, alors les pratiques des Etats sont belliqueuses, et de fait l’anarchie l’emportera, ainsi :

« Le réalisme est une prophétie autoréalisatrice »[37]

Or, la logique de la puissance n’est ni naturelle, ni nécessaire : elle est construite et contingente : 

« Si les Etats se trouvent eux-mêmes dans le système du chacun-pour-soi, c’est parce que leurs pratiques l’ont fait ainsi. Changer de pratiques changera la connaissance intersubjective qui constitue le système. »[38]

 

3- Critique : les relations internationales comme carrefour dialectique des sciences humaines

 

3-1 Une synthèse dynamique

 

Ainsi nous avons proposé de montrer comment la théorie de la structuration est apparue aux yeux de Wendt comme un outil permettant de fonder et renouveler les relations internationales, grâce à l’articulation entre agents et structures. 

Il en ressort que les structures n’existent pas « comme des choses », en dehors des relations constitutives des identités et des intérêts, mais elles sont des processus relationnels intériorisés, autrement dit des habitudes qui s’incarnent progressivement en structures normatives et juridiques. Mais ce qui est fait, peut être défait, il suffit pour cela que les mentalités changent.

Les trois types de relations entre Etats, « hobbesiennes », « lockiennes », et « kantiennes », forment une typologie dynamique des relations internationales.

La transposition de la théorie de la structuration en relations internationales a rendu possible ce saut dialectique, en remettant en cause les postulats des théories dominantes néoréalistes, néolibérales et du « système monde ». En ce sens, la théorie de Wendt serait un « progrès » des relations internationales, en tant que discipline des sciences sociales.[39]

Absorbée dans le nouveau constructivisme, la théorie de la structuration n’a pas disparu, elle est revivifiée dans une pensée générique et dynamique des « intérêts » et des « identités » des Etats, ainsi, pour paraphraser Wendt, les relations internationales sont ce que les Etats en font, et en retour les Etats se constituent par ces relations.

Nous serions reconduits à la dialectique entre soi et l’autre, ce qui met au premier plan la notion de reconnaissance[40], et d’effort consistant à œuvrer avec volontarisme pour changer l’hostilité en un système coopératif mutuellement profitable. 

Tous les Etats ne sont pas sortis du stade « hobbesien », et même à l’intérieur d’Etats pourtant globalement pacifiques, la tentation hobbesienne demeure et refait surface. En effet, les Etats ne forment pas des blocs monolithiques, un même Etat se comporte parfois simultanément selon les trois modes hobbesiens, lockiens et kantiens avec des pays différents, ou bien à l’égard d’un même Etat sur des plans différents. N’est-ce pas le cas de la « politique étrangère » prônée par la Commission européenne à l’égard de la République Populaire de Chine en tant que « rivale systémique »[41] [partenaire, concurrente, rivale], ou encore entre la France et les Etats-Unis, ces derniers ne manquant pas de témoigner d’une rivalité farouche dès que leurs intérêts supposés sont menacés.[42]

 

3-2 Des solutions ad hoc

 

D’autre part, sur le plan « ontologique » et « épistémologique », les problématiques semblent mises entre parenthèses et même abandonnées entre 1987 et 1992, ce qui renforce l’impression de solutions ad hoc, corrélées à des phénomènes de « mode » universitaire qui résistent mal à la durée. 

De plus, les sciences de la nature ne se sont pas fondées sur des ontologies ou des épistémologies,[43] mais sur des modèles et des résultats, c’est-à-dire des capacités de prédictions et l’adéquation aux phénomènes, et comme Karl Popper l’a montré, il reste extrêmement problématique de transposer les modèles des sciences de la nature en sciences sociales.[44]

Plus encore, l’ontologie n’étant pas science, comment pourrait-elle fonder quelque science que ce soit ?[45]

 

3-3 Un retour implicite à l’individualisme méthodologique

 

Au fond, Wendt ne retourne-t-il pas, mutatis mutandis, à la conception wébérienne (ou poppérienne) de l’individualisme méthodologique[46], puisque les structures n’existent qu’inter-subjectivement, selon le sens que les agents leur confèrent ?  

Alors, ne serait-il pas utile de dépasser les oppositions parfois artificielles : le concept bourdieusien d’ « habitus » ne propose-t-il pas cela ? 

En effet, à peu près en même temps qu’Antony Giddens, Pierre Bourdieu propose la notion de « pratique » structurée et structurante de l’agent afin de dépasser des dilemmes factices entre nominalisme et holisme, objectif et subjectif, liberté et déterminisme[47] :

« Les conditionnements associés à une classe particulière de conditions d’existence produisent des habitus, systèmes de dispositions durables et transposables, structures structurées prédisposées à fonctionner comme structures structurantes »[48]

Ainsi, les enjeux théoriques mêlés obscurcissent peut-être une certaine simplicité du sens commun, voire du bon sens, celle d’une pluralité dynamique des relations internationales, constituées par les pratiques ou « habitus » des Etats, qui s’échelonnent de l’hostilité à la coopération intense et l'intégration. 

Mais à vrai dire, n’y a-t-il pas une infinité de degrés d’interactions entre la paix intégrée et l’anarchie ?

 

3-4 Un absent : les acteurs et les causes non étatiques des relations internationales

 

Une autre critique porterait sur les agents non-étatiques qui sont pourtant à l’œuvre dans les relations internationales, qu’il s’agisse des phénomènes naturels transfrontaliers, pollution, réchauffement climatiques etc., mais aussi le rôle des ONG, tous semblent absents de l’analyse de Wendt[49], ce qui le conduit à une vision presqu’exclusivement centrée sur l’Etat[50], et donc en un sens, à une autre forme de réductionnisme, qu'il reproche pourtant aux théories rivales. 

 

3-5 Un néolibéralisme caricaturé

 

C’est aussi le réductionnisme opéré par Wendt à l’égard du néolibéralisme qui interroge. 

En effet, cette théorie y est considérée comme simplement « intermédiaire » entre « anarchie » et construction collective et coopérative, or il semble clair que le néolibéralisme a bel et bien déjà théorisé les relations de coopérations étroites, d’interdépendance et d’intégration, dans un jeu à somme non nulle, ceci par les pratiques constituantes et normatives. Le concept même de « soft power » défendu par les néolibéraux ne vise-t-il pas à promouvoir les pratiques non violentes de coopération et d’intégration ?

En ce sens, le constructivisme de Wendt s’apparenterait même à une variante du néolibéralisme.

 

3-6 Le nominalisme des néoréalistes ?

 

Enfin dans l’analyse de 1987, Wendt considère la théorie néoréaliste comme une forme de nominalisme, alors même que le néoréalisme insiste fortement sur le rôle des « structures ». Cette appellation « nominaliste » semble quelque peu forcée, on comprend bien sa fonction, puisqu’elle permet de constituer l’antinomie entre le « structuralisme » du « système-monde » et le « nominalisme » du néoréalisme, faisant apparaitre l’approche de Wendt comme un saut dialectique - faussement - nécessaire.[51] 


 

 

 

4- Conclusion

 

L’ambition fondatrice d’Alexander Wendt vis-à-vis des relations internationales se traduisit par la mise en place d’une antinomie en 1987, où la théorie de la structuration sociologique joua le rôle de modèle ontologique appuyé sur le réalisme scientifique au point de vue épistémologique.

Mais la recherche d’une science des relations internationales fut abandonnée au profit de la fondation d’un courant de pensée, le constructivisme, qui prit son essor à partir de 1992, en se proposant comme voie synthétique entre néoréalisme, néolibéralisme et système-monde. 

Certains arguments de Wendt semblent parfois spécieux, reflétant des effets de mode universitaire américaine, où la complexité conceptuelle confine à une scolastique des épicycles, embellissant des faits de simple bon sens : les Etats construisent leurs identités en relation les uns par rapport aux autres, le spectre est infini entre rapports de force et intégration de l’autre en soi afin de constituer des identités collectives.

Les relations internationales, comme discipline, héritent de toutes les difficultés théoriques de ses composantes, qu’il s’agisse de la sociologie, de l’économie, du droit, et plus généralement de toutes les sciences humaines et sociales. Il est donc inévitable que se transposent en elles les problèmes conceptuels de fondation, qui sont au cœur de toutes ces sciences. 

Le débat n’est pas clos et ne manque pas de vitalité, même s’il semble parfois quelque peu artificiel.

Mais si une science doit être capable de décrire adéquatement un certain type de réalité pour mieux l’anticiper ou orienter son évolution, et puisque les relations internationales dépendent d’un grand nombre de facteurs corrélés - dont les décisions humaines, parfois irrationnelles et imprévisibles - il semble alors que tout projet de fondation scientifique des relations internationales soit voué à l’échec.

Or, n’est-ce pas la marque de la liberté humaine dans l’histoire ? 


 


[1] Nous utiliserons l’italique relations internationale pour désigner le savoir, la disciple ou la science qui étudie relations internationales.

[2] Nous reprenons cette expression à Immanuel Kant, qui pose dans la Critique de la raison pure l’idée selon laquelle la métaphysique ne s’est pas constituée comme science, qu’elle est un « champ de bataille » de la raison. La mise au jour des antinomies de la raison pure est un des points de départ de la démarche kantienne. Or, la proposition d’introduire la théorie de la structuration dans les relations internationale s’inscrit, nous semble-t-il, dans la continuité de cette démarche de dépassement dialectique d’antinomies, comme nous le verrons dans ce travail. « Je suis parti des antinomies de la raison pure […] Voilà ce qui m’éveilla d’abord de mon sommeil dogmatique et me conduisit à la Critique de la raison elle-même pour anéantir le scandale de l’apparente contradiction de la raison avec elle-même ». I. Kant, lettre à Charles Garve du 21 septembre 1798

[3] Nous nous appuierons principalement sur l’article qui introduit la théorie de la structuration en relations internationales : The Agent-Structure Problem in International Relations Theory, Alexander Wendt, International Organization, Vol. 41, No. 3 (été, 1987), pp. 335-370. [les citations sont traduites par nous-mêmes]

[4] Anarchy is what States Make of it: The Social Construction of Power Politics, in International Organization, Vol. 46, No. 2 (printemps, 1992), pp. 391-425). 

 

 

[5] Ou Raymond Aron en France.

[6] Wendt infléchira sa position dans son article de 1992, reprochant à K. Waltz son nominalisme et son structuralisme, au fond il redoublera son « attaque » (note 43, p.403 de l’article : Anarchy is what States Make of it: The Social Construction of Power Politics, in International Organization, Vol. 46, No. 2 (printemps, 1992), pp. 391-425), comme nous le verrons.

[7] The Modern World-System: Capitalist Agriculture and the Origins of the European World-Economy in the Sixteenth Century. New York: Academic Press, 1974 pour le premier volume. En 1987, seuls deux premiers tomes étaient publiés.

[8] notamment lors de la chute de l’URSS,  mais bien sûr cet argument n’est pas utilisé en 1987. Il prendra toute son ampleur dans le développement ultérieur de la théorie de Wendt, en particulier à partir de son article de 1992, comme nous tenterons de le montrer.

[9] En 1992, Wendt infléchira sa position, en refusant l’existence des structures indépendantes des croyances et du sens que les Etats leur confèrent, ce qui leur enlève tout pouvoir causal en soi.

[10] Dans son article de 1987, les mentions de ces auteurs sont les suivantes : Antony Giddens (16), Roy Bashkar (20), Bourdieu (3) « structurationist » (21). Bashkar et Giddens sont de fait la source principale de la réflexion de Wendt. En 1992, les occurrences sont les suivantes : Antony Giddens (4), Roy Bashkar (2), Bourdieu (0), « structurationist » (5) ce qui montre l’émancipation de Wendt vis-à-vis de la « théorie de la structuration » entre 1987 et 1992.

[11] Au Moyen-Age, la « querelle des universaux » oppose réalistes et nominalistes. Pour les réalistes, les substances secondes existent, il s’agit des genres et des espèces, pour les nominalistes, seuls les individus existent, les genres et les espèces sont de simples abstractions. Il est à noter qu’en relations internationales, les « réalistes » et « néoréalistes » sont en fin de compte des nominalistes au sens philosophique selon Wendt, dans la mesure où les unités constitutivement premières sont les Etats. Pour une analyse érudite de « la querelle des universaux » : la Querelle des Universaux de Platon à la fin du Moyen-Age (1996), Alain de Libera. 

[12] Le fait social étant :« toute manière de faire, fixée ou non, susceptible d'exercer sur l'individu une contrainte extérieure ; ou bien encore, qui est générale dans l'étendue d'une société donnée tout en ayant une existence propre, indépendante de ses manifestations individuelles. Les Règles de la méthode sociologique (1895), Emile Durkheim.

[13] Max Weber résume ainsi son approche sociologique :« Nous appelons sociologie (…) une science qui se propose de comprendre par interprétation l’activité sociale et par là d’expliquer causalement son déroulement et ses effets. Nous entendons par « activité » un comportement humain (…) quand et pour autant que l’agent ou les agents lui communiquent un sens subjectif. Et par activité «sociale », l’activité qui, d’après son sens visé par l’agent ou les agents, se rapporte au comportement d’autrui, par rapport auquel s’oriente son déroulement » Max Weber, Economie et Société(1922). Notons que la méthode de Max Weber est qualifiée d’individualisme méthodologique rétrospectivement. Pour une mention explicite de cette approche en sociologie, il faut attendre Karl Popper,  Misère de l’historicisme (1956).

[14] Par « structuration », Wendt entend la théorie de la structuration. Nous laissons donc ce long passage dans son intégralité, dans la mesure où il explicite clairement le rôle de la théorie de la structuration pour penser une nouvelle théorie des relations internationales.

[15] The Agent-Structure Problem in International Relations Theory, Alexander Wendt, International Organization, Vol. 41, No. 3 (été, 1987), pp. 339

[16] Ibid. p.342

[17] Ibid. p.344

[18] Occurrences dans l’article de 1987 : « world-system » (62), « neorealism » (33). Wendt est alors particulièrement intéressé à se positionner par rapport à la théorie du « système-monde ». Cette situation sera radicalement différente en 1992.

[19] Op. cit. p.345

[20] Le problème se retrouve dans le structuralisme de Claude-Levi Strauss, qui articule les phénomènes anthropologiques (comme la parenté), au sein de structures d’échanges, sans pour autant se prononcer sur les changements de structures, leurs apparitions et disparitions. Ces structures s’apparentent à des a priori kantiens, qui expriment l’universalité de la psychè humaine.

[21] Ibid. p.350

[22] Pour les occurrences « scientific-realism » (23), « scientific » (100), « science » (77), ce qui montre que le point focal de Wendt en 1987 consiste à établir la scientificité des relations internationales. Les fréquences changent fortement en 1992 « scientific-realism » (1), scientific (1), science (15). Or la seule mention du « réalisme scientifique » en 1992 (p. 425) exprime le rejet de cette position.

[23] Wendt mentionne notamment H. Putnam, B. Van Fraasen, Ian Hacking (article de 1992, p.350, note 34)

[24] Ibid. p352

[25] Anarchy is what States Make of it: The Social Construction of Power Politics, in International Organization, Vol. 46, No. 2 (printemps, 1992), p. 397

[26]  Il est peut-être intéressant de remarquer que les fréquences des occurrences sont identiques: « constructivism » (5), « structurationist » (5). D’un autre côté, « neorealism » (7), « neoliberal » (10).

[27] Occurrences en 1992 « process » (73), en 1987 « process » (5). Par ailleurs, le réalisme scientifique, et les structures objectives semblent mises entre parenthèse au profit d’une conception plus « compréhensive » au sens wébérien : au lieu d’une double implication causale entre l’agent et la structure, le concept de « processus » des relations internationales passe au premier plan, il s’agit en effet de décrire et comprendre les pratiques concrètes des Etats qui génèrent leurs propres règles d’interactions, ou redéfinissent sans cesse leurs identités et leurs intérêts par le truchement de leurs interactions.

[28] Ibid. p.394-395

[29] Ibid. p.396

[30] Ibid. p.396

[31] Ibid. p.397

[32] Ibid. p.397

[33] Ibid. p.399

[34] Fondée notamment par Robert Keohane et Joseph Nye

[35] Ibid. p.400

[36] Ibid. p.400

[37] Ibid. p.410

[38] Ibid. p.407

[39] D’une façon analogue, la théorie de la relativité générale d’Einstein subsume les cas newtoniens comme des cas particuliers.

[40] Qui se trouve au cœur de l’interprétation de Hegel par Kojève (Introduction à la lecture de Hegel, 1947)

[41] Déclaration du 11 mars 2019 ; sur ce point :  The meaning of systemic rivalry: Europe and China beyond the pandemic – European Council on Foreign Relations (ecfr.eu)

[42] Le « coup de couteau dans le dos » des accords Aukus pour reprendre l’expression de Jean-Yves Le Drian.

[43] [excepté le postulat de la mathématisation possible du réel]. Pour preuve, les débats ne sont pas fermés en philosophie des sciences, contrairement à ce que semblait suggérer Wendt, le réalisme scientifique était seulement « dominant » à son époque, ce qui relevait peut-être davantage d’un « effet de mode ».

[44] En 1992, Wendt apparait d’ailleurs davantage « poppérien ».

[45] Un mathématicien ou un physicien proposent parfois des épistémologies ou des ontologies, mais dans ce cas ils s’aventurent sur les chemins de la philosophie de la science, qui est elle-même un champ problématique du savoir. Sur ce point, Alain Séguy-Duclot, dans la Réalité physique, défend une approche « anontologique » de la connaissance. En effet, les sciences progressent indépendamment de l’être, qui reste inconnaissable.

[46] et non ontologique.

[47] Alexander Wendt mentionne trois fois Pierre Bourdieu dans l’article de 1987, il le classe aux côtés des théories de la structuration, et mentionne en effet l’ « habitus » une fois (note 55). En revanche en 1992, il ne fait plus aucune mention de Bourdieu ou de l’habitus.

[48] Pour la citation complète : « Les conditionnements associés à une classe particulière de conditions d’existence produisent des habitus, systèmes de dispositions durables et transposables, structures structurées prédisposées à fonctionner comme structures structurantes, c'est-à-dire en tant que principes générateurs et organisateurs de pratiques et de représentations qui peuvent être objectivement adaptées à leur but sans supposer la visée consciente des fins et la maîtrise expresse des opérations nécessaires pour les atteindre, objectivement « réglées » et « régulières » sans être en rien le produit de l’obéissance à des règles, et, étant tout cela, collectivement orchestrées sans être le produit de l’action organisatrice d’un chef d’orchestre. », Pierre Bourdieu, Le Sens pratique, Paris, 1980.

[49] en tous les cas concernant les articles de 1987 et 1992, ce qui se comprend puisque l’enjeu était de penser la (fin de) la Guerre Froide.

[50] On serait tenté de forger le néologisme « statocentré » pour désigner les théories (anglosaxonnes) des relations internationales qui négligent le rôle des agents non-étatiques ; celles-ci incluraient en particulier le néoréalisme, le néolibéralisme et le constructivisme.

[51] Comme dans la théorie kantienne. Dans la typologie de Wendt, le constructivisme est le troisième terme, autrement dit le terme kantien, après Hobbes (hostilité) et Locke (reconnaissance de la souveraineté). Wendt associe donc sa démarche à celle de Kant en 1987 et en 1992. Mais là où Kant mettait au jour des conflits authentiques et proposait une approche radicalement originale de la métaphysique, « la théorie transcendantale », Wendt nous semble réductible in fine aux théories qu’il critique pourtant.